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Pourquoi il fallait encadrer davantage la publicité faite par les influenceurs

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En 2021, un internaute sur 4 déclarait suivre un influenceur sur les réseaux sociaux, et parmi eux 3 sur 5 reconnaissaient suivre leurs recommandations d’achat. Désormais entré dans le langage courant (66 % des Français déclarent savoir ce qu’est un créateur de contenu), l’influenceur est une personnalité suivie par un grand nombre de followers sur TikTok, Instagram, Facebook, YouTube ou autre réseau social et reconnue comme ayant un pouvoir de recommandation et de persuasion sur une thématique (mode de vie, gastronomie, sport, beauté́, etc.).

Fort de ce pouvoir de prescription, ces influenceurs sont devenus de véritables ambassadeurs pour les marques. Adidas et Lena Situation ou encore Celio avec MacFly et Carlito, etc. les exemples sont nombreux. Les investissements des marques dans le « marketing d’influence » sont de plus en plus conséquents. Ce marché représenterait en France 15 milliards d’euros en 2022.

Mais parce que cette pratique est nouvelle et le secteur encore peu réglementé, on observe le meilleur comme le pire. Publicité déguisée, pratiques commerciales trompeuses, escroqueries, abus de confiance, promotions pour la contrefaçon et « dropshipping » sont quelques exemples qui font régulièrement la une des médias.

Une riposte aux « influvoleurs »

Parce qu’ils font figure d’autorité, qu’ils sont perçus comme des modèles de réussite pour les plus jeunes, et qu’ils paraissent crédibles et experts, les internautes se laissent facilement séduire par leurs discours et parfois abuser par ces influenceurs en suivant leurs recommandations aveuglément. Les abus sont tels que des collectifs de victimes ont vu le jour comme « AVI » (Aide aux victimes d’Influenceurs) pour protéger les consommateurs et accompagner les victimes dans leurs démarches judiciaires.

Le gouvernement français s’est récemment saisi de cette question. Pour le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire :

« Le secteur de l’influence commerciale […], alors qu’il est un formidable vecteur de créativité et de richesse économique, ancré dans le quotidien de millions de nos compatriotes […] souffre de règles inexistantes ou trop floues ».

Après avoir lancé une grande concertation nationale sur cette question fin 2022 (19 000 participants), le ministère a proposé 13 mesures et élaboré un code de bonne conduite pour les influenceurs. L’objectif affirmé est d’accompagner les influenceurs et de mieux protéger les consommateurs contre les « influvoleurs ».

Le gouvernement rejoint ainsi un combat porté par le rappeur Booba depuis plusieurs mois. Le 13 mars dernier, Bruno Le Maire a ainsi affirmé qu’il avait « raison ».

Du côté de l’Assemblée nationale, une proposition de loi transpartisane, portée par les députés Arthur Delaporte (Parti socialiste) et Stéphane Vojetta (Renaissance), a été adoptée à l’unanimité le jeudi 30 mars. Elle vise elle aussi à réguler l’activité d’influence commerciale par voie électronique, à travers « un texte responsabilisant, pédagogique mais également sanctionnant ».

Les mesures, élaborées après concertation de certains influenceurs (ce qui a fait polémique dans le milieu, comme le rappelle l’influenceur Squeezie dans la vidéo ci-dessous), couvrent plusieurs domaines : interdiction pure et simple de faire la promotion de certains produits et pratiques (chirurgie esthétique, médicaments, jeux d’argent et paris en ligne, etc.), obligation de déclaration des revenus générés par les partenariats publicitaires mais aussi transparence accrue des partenariats publicitaires.

Cette proposition vient renforcer l’obligation déjà existante de mentionner de façon claire et explicite l’intention commerciale des publications lorsque les publications des influenceurs sont sponsorisées par une entreprise.

Pourquoi, dès lors, renforcer cette obligation ? Quels sont les objectifs sous-jacents de la divulgation du partenariat publicitaire ? Et quels effets observe-t-on lorsque l’influenceur divulgue qu’il s’agit d’un partenariat publicitaire ?

Moins d’un influenceur sur deux en conformité

En dépit de la loi et de l’amélioration des pratiques, les influenceurs respectent peu ou mal cette obligation. L’Autorité de régulation de la publicité professionnelles (ARPP) s’est emparée de ce sujet dès 2020 avec la mise en place d’un Observatoire de l’influence responsable. L’analyse des contenus des influenceurs sur 2021 met en avant une amélioration des pratiques de transparence des influenceurs.

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Néanmoins, seuls 47 % d’entre eux apparaissent comme pleinement conformes à la réglementation. De nombreux influenceurs, notamment des micro-influenceurs, mentionnent pas ou mal leurs partenariats. L’effort est donc à poursuivre et la nouvelle proposition de loi vise à non seulement renforcer les obligations mais aussi à sanctionner davantage les manquements à la loi.

La divulgation claire et explicite du partenariat est censée protéger le consommateur. En effet, les autorités publiques font l’hypothèse qu’un consommateur informé du caractère commercial d’un contenu saura mieux se protéger et répondre de manière plus éclairée, plus critique au message.

Ce mécanisme a été théorisé dans les années 1990 par les chercheurs Marian S.Friestad et Peter Wright. Dans leur modèle « Persuasion Knowledge », lorsque les individus perçoivent le caractère commercial d’un message, ils comprennent qu’il s’agit d’une tentative de persuasion et activent leur « connaissance de la persuasion et des tactiques persuasives » pour ajuster leurs attitudes et intentions vis-à-vis du produit promu. Ainsi, ils doutent de l’objectivité de l’argumentation et sont plus critiques.

Dans le contexte des réseaux sociaux, les influenceurs sollicités par les marques créent des publications dans lesquelles ils vantent ou testent des produits qui, sur le fond et sur la forme, ressemblent à des contenus publiés hors de tout partenariat publicitaire. Il est donc très difficile pour les consommateurs de distinguer les contenus publicitaires et non publicitaires si la mention d’un partenariat (par exemple, « sponsorisé par » ou « #partenariat avec ») n’est pas présente.

Des effets paradoxaux sur les internautes

Dans ce contexte, il a été démontré que la mention claire et explicite du partenariat facilite la reconnaissance du caractère publicitaire. Inversement, lorsque le partenariat n’est pas annoncé ou l’est de manière floue, cela nuit à la reconnaissance du caractère commercial de l’annonce. C’est bien le sens de l’article 2C-I de la proposition de loi évoquée précédemment qui indique que :

« La promotion de biens, de services ou d’une cause quelconque réalisée par les personnes mentionnées à l’article 1er les [influenceurs] doit être explicitement indiquée par une mention claire, lisible et identifiable sur l’image ou la vidéo durant l’intégralité de la promotion ».

« La violation des dispositions prévues au présent article est punie d’un an d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende ».

Cependant, les travaux menés en marketing et dans divers domaines, avec des influenceurs plus ou moins populaires, fictifs ou réels, ne sont pas unanimes quant à l’effet de cette reconnaissance sur les réactions des internautes. Il peut dépendre par exemple de l’argumentation plus ou moins nuancée adoptée par l’influenceur dans sa recommandation. Dans un récent article publié dans la revue Recherche et Applications en Marketing, nous montrons que l’effet évoluerait aussi en fonction du type d’influenceur : micro (moins de 10 000 abonnés) ou méso-influenceur (entre 10 000 et 1 million d’abonnés).

Enfin, des études soulignent des effets contraires et paradoxaux de la divulgation. C’est ce que certains auteurs appellent le « paradoxe de la transparence ». L’influenceur serait ainsi jugé plus transparent, plus honnête, plus digne de confiance et plus attractif, compte tenu de sa capacité à attirer des partenariats. La marque bénéficierait également de cette divulgation en renforçant, par exemple, sa mémorisation.

Vers une influence responsable

Ainsi, si la mention claire et explicite du partenariat facilite la reconnaissance de l’intention publicitaire, rien ne garantit que celle-ci soit de nature à amoindrir les intentions des consommateurs vis-à-vis du produit ou des marques. Sous certaines conditions, l’internaute apparaît comme un influencé consentant, qui n’a pas de réticences particulières vis-à-vis des publicités portées par des influenceurs.

Dans une récente étude, près de 80 % des personnes interrogées indiquent être conscientes des opérations de partenariats réalisées, elles sont 54 % à les accepter sans problème. Elles sont toutefois 70 % à exiger la transparence sur ces partenariats. L’internaute souhaite donc être un consommateur influencé consentant mais éclairé.

Les marques ont d’ailleurs compris les enjeux de la transparence et certains annonceurs exigent que les influenceurs soient certifiés « influence responsable », formation dispensée par l’ARPP depuis septembre 2021. L’Oréal France ou Club Med, ont par exemple indiqué qu’ils ne collaboreraient à l’avenir qu’avec des influenceurs certifiés.

Le marketing d’influence ne pourra ainsi gagner ses lettres de noblesse que par des pratiques transparentes qui ne tirent pas leur efficacité d’une « omission trompeuse » de sa nature véritable, mais d’une réelle valeur ajoutée de la créativité des influenceurs, raison pour laquelle les annonceurs font appel à eux.





Florence Euzéby, Maitresse de conférences en sciences de gestion, IAE La Rochelle, IAE La Rochelle

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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