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Si un influenceur virtuel commet une infraction, qui est responsable ?

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À l’ère digitale, les réalités se superposent. En effet, certains de vos amis sont réels : vous les avez déjà rencontrés et vous avez échangé des paroles et des idées. Dans la réalité digitale, un second niveau donc, vous avez d’autres amis ou influenceurs que vous suivez et même si vous ne les avez jamais touchés. Vous avez aussi déjà échangé avec eux, vu leurs posts, leurs vidéos et commenté leurs activités.

Aujourd’hui, le monde digital évolue encore et passe à un nouveau niveau de réalité avec l’arrivée des « biodigitaux ». Ces personnages fictifs, conçus et créés par la magie de l’ordinateur, sont de parfaites copies numérisées d’humains qui peuvent être en contact avec tous, sur tous les écrans et supports communicationnels (sous forme d’images mais aussi de vidéos). Ils échangent avec vous, commentent vos posts, chantent, dansent et se produisent sur scène sous forme d’hologrammes.

Les biodigitaux sur Instagram : un nouveau challenge pour les marques ? (FNEGE Médias, 2022).

Ce sont de parfaites répliques qui travaillent déjà aujourd’hui dans le domaine de la communication comme mannequin, artiste, etc. et ambassadeur de marque. Ils sont parfois influenceurs.

Black Mirror

Par exemple, LilMiquela, égérie de Calvin Klein, flirte, sur la plate-forme Instagram, avec presque 3 millions d’abonnés ; Shudu Gram, courtisée par de grandes marques internationales (Fenty Beauty, Shiseido) est présentée comme « le premier super modèle digital du monde » et « défile » à Londres. Le géant suédois de la distribution d’ameublement, Ikea, a quant à lui choisi de travailler avec Imma Gram qui vit (virtuellement) au Japon. En parallèle, des agences proposent aux célébrités de concevoir des doublures digitales.

Ikea Harajuku with Imma (WKtokyo, 2021).

Or, l’intensité des activités discrètes des biodigitaux commencent à questionner éthiquement et légalement cette technologie de l’hyperréalisme dans un multivers (un ensemble d’univers dans un unique système).

Dans un épisode de la récente saison 6 de la série dystopique Black Mirror, intitulé « Joan is awful » (« Joan est horrible »), une avocate explique à sa cliente que, légalement, aucun texte de loi ne peut arrêter cette biodigitale qui a pris sa place, son identité physique – pas même les abominations qu’elle commet sous sa personne.

Bande-annonce de Black Mirror, saison 6 (Netflix France, juin 2023).

Ce scénario alerte sur un vide juridique. Aucune loi ne peut interdire la création de votre parfait double digital. Aucun texte n’aurait donc de valeur face à ces personnages hyperréalistes qui pourraient vous substituer sur les écrans.

Des craintes dans les agences d’influence

En mars dernier, les députés français adoptaient, à l’unanimité, une loi visant à mieux encadrer les influenceurs sur les réseaux sociaux. Le texte renforce notamment l’obligation de signaler si leurs publications font l’objet d’un partenariat ou non. En effet, sur de nombreuses plates-formes digitales, certains influenceurs suivent des valeurs éthiques fortes : ils s’interdisent notamment de mentir en vantant un produit non testé ou de présenter un produit non autorisé sur le marché. Il n’en est pas de même pour d’autres influenceurs, qui, attirés par l’appât du gain, mènent sans en avoir conscience ou tout à fait volontairement des actions de marketing d’influence.

Faute de lois claires régulant ces activités professionnelles ou bénévoles, certains influenceurs menaient donc à terme leurs actions marchandes frauduleuses en manipulant les consommateurs pour leur propre profit sans se soucier des risques. Désormais, ils devront définir strictement la finalité publicitaire des messages sous peine de poursuites. En revanche, le cas des personnages biodigitaux, qui avancent discrètement sous l’apparence humaine, reste absent de cette avancée législative.

La divergence d’interprétation sur la nature juridique de ce type de personnage commence d’ailleurs à questionner les professionnels de la communication et du marketing. En effet, une recherche récente que nous avons menée démontre que leurs agences demandent une « phase de temps et de réflexion avant de créer un biodigital » (94 %) ou de suggérer à leur client d’en concevoir un. Le risque lié à l’absence de connaissance de la législation spécifique à ces biodigitaux (73 %) et à leur confusion avec les êtres humains prévaut notamment sur l’objectif d’innovation.

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En effet, qui est l’auteur d’un personnage biodigital, responsable juridiquement ? Ces faux humains ne possèdent pas de carte d’identité : ils ne peuvent donc pas être responsables juridiquement. En cas de problème, les responsabilités seraient très complexes à établir, surtout si toute une équipe s’occupe du personnage biodigital.

« … sauf si la loi l’interdit »

Il y a donc urgence à relever ce défi juridique. D’autant plus que certaines organisations ont déjà commencé à créer des biodigitaux et proposent même de créer votre propre doublure digitale.

Dans une expérience interactive, Netflix propose de son côté d’exploiter votre image, notamment pour ses prochaines productions. En signant avec le géant du streaming, vous cédez :

« le droit irrévocable, perpétuel, mondial et non exclusif d’enregistrer, de représenter et/ou de faire votre portrait et d’utiliser […] votre nom, votre photographie, votre voix, vos actions, etc. […] dans tous les médias connus à ce jour et conçus ultérieurement, et dans toutes les langues, tous les formats, toutes les versions […] sans compensation pour vous ou pour toute autre personne, sauf si la loi l’interdit. »

Votre biodigital est prêt à vous représenter si vous approuvez sans lire les termes et conditions. Raison de plus pour adopter un règlement clair et explicite pour toute personne ou groupement (public ou privé) qui conçoit, édite, loue ou vend des influenceurs biodigitaux et des doublures numériques.





Marie-Nathalie Jauffret, Chercheure – Prof. Communication & Marketing, International University of Monaco

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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